14.07.2012 / Zone Pi

Deportivo

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Deportivo – Ivres et débutants
Jusqu’ici, Deportivo avait publié deux albums : Parmi eux en 2004 et Deportivo trois ans plus tard. Aucun des deux ne dépassait 30 minutes au chronomètre, à croire que pour ce power trio né dans les Yvelines tout n’était qu’empressement, urgence à faire rougir les fusibles et les potentiomètres, à surchauffer les planches et le carburateur du tour bus. « On finit tous par s’y perdre » entend-on dans Ivres et débutants, la chanson qui donne son titre à leur troisième album. Et afin d’éviter l’égarement qu’aurait constitué une fuite en avant dans le mur du son rock, avec risque d’accident quasi certain, Deportivo a pris le temps de contourner l’obstacle avec adresse et panache.

La première étape de cette transformation a lieu en 2007, à la sortie du deuxième album, lorsque le groupe prend possession d’un espace dans l’enceinte bouillonnante du Point Ephémère à Paris. Parmi la galerie souterraine de ces petites résidences d’artistes de toutes obédiences, leur studio se situe à quelques mètres de celui de Romain Turzi, tête pensante du groupe de space-rock qui porte son nom et collectionneur maniaque de synthés vintages ayant appartenus aux grands extra-terrestres du planant. En guise de cadeau d’accueil, Turzi cède à ses nouveaux voisins quelques machines aux noms prometteurs, un Synthorchestra de chez Farfisa et un Crumar italien qui a sans doute servi pour d’ensorcelées B.O. de Dario Argento. Pour la première fois, le trio guitare/basse/batterie se disloque à l’appel irrésistible de ces joujoux hors d’age avec lesquels Jérôme, Richard et Julien vont s’employer à remettre tout à plat : leurs certitudes quant à l’omnipotence des guitares poussées à onze ainsi que leur manière antédiluvienne de composer. Cette ivresse des débutants dont ils se revendiquent aujourd’hui trouve ici sa source, dans ce dépucelage joyeux autour de vieilles guimbardes aux sons et possibilités infinis. La pop ingénieuse de MGMT ainsi que la réécoute des inventifs Blur ou Cake confirmera au groupe que la voie ainsi ébauchée serait forcément la bonne. Il lui fallait juste trouver un bon guide, quelqu’un capable de mettre des réponses au bout de leurs questions et surtout de débrider encore un peu plus leur imagination.

Proche depuis longtemps de Gaëtan Roussel pour avoir tourné avec Louise Attaque et Tarmac, le trio fait donc appel à celui qui a depuis – avec Bashung, Taha et sur son jouissif album solo – gagné d’impressionnants galons de réalisateur tout terrain. Aussitôt enthousiasmé par les nouvelles chansons, Roussel va auprès de Deportivo faire ce qu’il sait faire de mieux : ouvrir les espaces, stimuler leur désir joueur, préserver ce qui faisait leur sel initial en y ajoutant son grain de folie perso. L’équipage infaillible qu’il forme avec Mark Plati – ingénieur du son et mixeur de l’album – vise une nouvelle fois juste, aidant le groupe à se réinventer sans rien hypothéquer de sa fougue initiale.
Un titre comme Intrépide, au lyrisme tendu et à la structure en mouvements circulaires, donne très tôt une idée de la mécanique mise en route, et les chansons suivantes reposeront elles aussi sur des architectures sonores surprenantes, allant jusqu’à la valse avec cuivres de péplum (Pistolet à l’eau) et même au reggae (C’était cool). La voix de Jérôme Coudanne, qui bénéficie pour la première fois d’une place  suffisante pour éviter d’avoir à jouer des coudes, se révèle d’une élégance à la Julian Casablancas, influence évidente de ce Fais-moi comprendre qui ouvre le disque en fanfare. Quant à la patte de Gaëtan Roussel, on en trouve précisément la trace sur Ivres et débutants (dont il est d’ailleurs co-compositeur) ou dans l’astucieuse et ludique farandole sonore qui emballe Pistolet à eau. Il suffitnéanmoins d’écouter l’offensif Au milieu ou le convulsif Rejoue quand même pour deviner que Deportivo n’a pas seulement abordé cette troisième balise avec de seules envies récréatives.
« On a vraiment cherché » dit l’avant-dernier titre (presque) instrumental, le plus abrasif du lot, et parmi les trouvailles de l’album il y a cette façon plus moderne qu’auparavant de faire sonner le Français en mode rock, en relevant un peu le front et en nuançant la prise de parole d’un rien de nonchalance qui profite là encore à leur style. Preuve évidente qu’ils ont cette fois pris leur temps : Ivres et débutants dure pas loin de 37 minutes. Un record à leur échelle, et sur celle du rock d’ici plusieurs marches gravies d’un seul (joli) coup.


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